Opérateur de réseau 

Services et Infrastructures
Auteur : Pierre Zembri

La première occurrence du terme peut être trouvée dans les travaux du Groupe Réseaux (1985) devenu par la suite le GDR « Réseaux », mais avec une définition qui est restée assez vague, surtout si l’on se positionne dans le contexte institutionnel de l’organisation des transports, variable selon les pays mais aussi selon les périodes. La définition logique est celle de l’offreur de service, un peu sur le modèle de l’opérateur téléphonique, mais elle renvoie à une production intégrée, de l’infrastructure au service. Cette ambigüité est savamment entretenue par les anciens opérateurs intégrés qui ont intérêt à défendre un lien organique et intangible entre infrastructure et services alors même qu’il leur est demandé de les sépparer nettement, du moins en Europe…  

 

Exemple : l’ancienne SNCF d’avant 1997, à la fois gestionnaire d’infrastructures (GI), exploitant, et décideur de la consistance de l’offre, de la tarification, etc.  

 

L’intégration des autorités organisatrices (AO) dans le système crée une complexité supplémentaire, sans qu’il soit possible de les dissocier clairement des opérateurs. Tout dépend en fait de leur implication dans la production du service. Ainsi, si l’AO se contente d’acheter une prestation en laissant toute latitude à l’exploitant de définir l’offre, elle n’est pas opérateur. En revanche, si elle conçoit l’offre, réduisant l’exploitant au rôle de prestataire de service disposant d’un degré d’autonomie limité (cas très répandu dans les villes françaises), elle est opérateur de fait. Une situation moyenne (l’AO définit les principes de l’offre, l’exploitant les met en œuvre) conduit à intégrer les deux parties en un rôle combiné d’opérateur.  

 

Ici, on demeure dans les termes des débats des années 1990. La période la plus récente a vu émerger d’autres dimensions liées soit à des réformes, soit à des modifications dans les usages :  

 

L’apparition d’intégrateurs ou de metteurs en relation : élaboration de solutions combinant les services de transporteurs en situation de simples prestataires de service. Des services de type Uber entrent à plein dans cette évolution mais on en a vu apparaître des équivalents dans le domaine du transport collectif comme Flixbus : ce sont des opérateurs « virtuels » ne possédant aucune infrastructure ni aucun moyen de production. Ils captent la plus-value générée par la mise en relation en limitant au strict minimum le risque industriel, avec des risques non négligeable de dépendance des prestataires vis-à-vis de donneurs d’ordre d’autant plus enclins à faire preuve de flexibilité qu’ils n’assument pas les conséquences, notamment sociales, des changements de configuration d’offre,  

 

L’élargissement du champ d’action des transporteurs traditionnels : ils débordent de leur spécialisation première pour rechercher les meilleurs moyens de captation de clientèle mettant en œuvre d’autres types de service, soit en les rachetant, soit en les affrétant : des services personnalisés de porte àporte, « sans couture », sont ainsi proposés, selon des combinaisons variables qui sont fonction de la nature de la demande.  

  

Le développement de modes individuels « collectivisés » : l’opérateur se contente de fournir une infrastructure (bornes, emplacements, etc.) et des véhicules à des utilisateurs qui se transforment en producteurs de service et organisateurs de leur propre mobilité. L’automatisation prévisible des vecteurs rendra à nouveau passifs les utilisateurs, tout en rendant les conditions de déplacement inégalables (point à point direct, temps de trajet utilisable à d’autres tâches que la conduite).  

 

On approche d’un idéal qui est celui d’une individualisation extrême des prestations, et de leur combinaison : chacun deviendrait ainsi son propre opérateur. Mais en maîtrisant de façon inégale les différentes composantes de la chaîne mobilisée.