Innovation

Services et Infrastructures

 

L’innovation est un concept qui revêt de multiples facettes et s’analyse selon de multiples dimensions. Selon l’objet sur lequel porte l’innovation, on peut parler d’innovation technologique, d’innovation de service, d’innovation de procédé, d’innovation de commercialisation, ou encore d’innovation organisationnelle. 

Zoom sur les innovations technologiques et de service  

 

Selon l’ampleur relative des changements dont elles procèdent dans les concepts et/ou composants et dans les liens entre ces concepts et/ou composants, les innovations technologiques et les innovations de service peuvent être caractérisées d’incrémentales ou de radicales. Selon le type de processus par lequel elles émergent, les innovations technologiques et les innovations de service peuvent être qualifiées de (techno-)push (poussées par la technologie) ou de (market-)pull (tirées par le marché). 

 

  • Exemple d’innovation push : l’automobile. Pour caricaturer l’innovation push : « If I had asked my customers what they wanted, they would have said a faster horse. » (Citation apocryphe, Henry Ford, début du XXe siècle) 

 

Parmi les innovations market-pull, on qualifie d’innovations disruptives (initialement théorisées par Clayton Christensen) celles qui créent de nouveaux marchés et de nouveaux réseaux de valeur venant perturber les marchés et réseaux de valeur en place et, à terme, renverser les acteurs traditionnels ou les contraindre à faire évoluer fortement leur activité. Selon le type de marché auxquelles elles s’adressent, on distingue les innovations disruptives de type low-end (« good enough product ») des innovations disruptives de type new-market. « Generally, disruptive innovations were technologically straightforward, consisting of off-the-shelf components put together in a product architecture that was often simpler than prior approaches. They offered less of what customers in established markets wanted and so could rarely be initially employed there. They offered a different package of attributes valued only in emerging markets remote from, and unimportant to, the mainstream. » (Christensen, 1997) 

 

  • Exemple d’innovation disruptive low-end : le low-cost aérien 
  • Exemple d’innovation disruptive new-market : le covoiturage longue distance adossé à des plates-formes numériques de mise en relation 

 

Parmi les innovations market-pull, on qualifie d’innovations sociales celles qui répondent à des besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits dans les conditions actuelles du marché en impliquant les utilisateurs et usagers dans la conception et la mise en œuvre des réponses aux besoins. 

  • Exemple d’innovation sociale : coopératives d’autopartage de proximité . 

 

La diffusion des innovations technologiques et de service  

Selon la théorie de la diffusion des innovations proposée par Everett M. Rogers (1962) et reprise et développée par Geoffrey Moore (1975), la plupart des innovations stagnent ou disparaissent après avoir conquis leurs tout premiers marchés de consommateurs pionniers, incapables de franchir le « gouffre » qui sépare ces marchés pionniers du marché de masse. Cette même théorie identifie différents profils de consommateurs caractérisés par des préférences différentes en matière d’adoption de l’innovation considérée : les innovateurs, les adopteurs précoces, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires. Selon cette théorie, l’atteinte du marché de masse suppose que l’innovation dont il est question fasse la preuve de sa pertinence pratique et économique pour la majorité des consommateurs. En effet, les consommateurs innovateurs peuvent être séduits par des caractéristiques particulières, par exemple le contenu innovant, ou le bénéfice écologique, qui ne suffiront pas à convaincre pas les consommateurs du marché de masse. Ceux-là attendent une solution à leurs besoins pratiques et à leurs contraintes économiques. 

 

Les régimes sociotechniques et les transitions techologiques : application au véhicule électrique Frank Geels (2002) définit un régime sociotechnique comme l’ensemble cohérent et relativement stable dans le temps formé par une technologie en position dominante sur un secteur, ses usages et applications, les valeurs sociales et culturelles qui lui sont associées, l’infrastructure qui permet son exploitation, les connaissances qui sous-tendent son fonctionnement, et les réglementations et politiques publiques qui l’accompagnent. Dans le domaine de la mobilité, on considère généralement que le véhicule électrique est une innovation de rupture dont le succès face à la technologie dominante du véhicule thermique ou en complémentarité avec celle-ci requiert une transition technologique et donc des changements dans le véhicule lui-même , dans l’infrastructure de stationnement et les réseaux électriques , mais aussi dans les pratiques de mobilité, dans la règlementation, etc. 

 

  • La théorie des transitions technologiques développée par Geels nous apprend que la transition d’un régime sociotechnique à un autre, par exemple la transition d’un régime de mobilité dominé par la voiture individuelle thermique à un régime où la mobilité électrique occupe une place significative, est possible quand se produisent des changements convergents à trois niveaux différents du système considéré. Le niveau micro, celui des niches, est le seul niveau dans lequel les innovations de rupture peuvent espérer percer dans un premier temps. Dans le cadre d’une transition de régime, une innovation comme le véhicule électrique doit au niveau micro trouver des marchés de niche favorables à son adoption, auprès desquels elle va pouvoir bénéficier de différents processus d’apprentissage : technologique, pratique, etc. Le niveau méso, celui du régime sociotechnique en place, est un niveau qui ne connaît généralement que des changements marginaux et progressifs. Dans le cadre d’une transition de régime, une innovation comme le véhicule électrique doit au niveau méso trouver sa place dans un régime sociotechnique en reconfiguration sous l’influence double du développement des niches d’une part, et des évolutions du paysage sociotechnique d’autre part. Le niveau macro est celui du paysage sociotechnique, c’est-à-dire l’ensemble des éléments de contexte sociétaux, culturels, environnementaux, économiques, géopolitiques qui forment la trame de fond de nos sociétés et des événements qui s’y produisent. Dans le cadre d’une transition de régime, une innovation comme le véhicule électrique doit profiter de fenêtres d’opportunités créées par des évolutions au niveau du paysage sociotechnique susceptibles favoriser son développement aux niveaux micro et méso. 

 


 

L’innovation est devenue un objectif protéiforme d’intervention publique, dont les contours et les contenus ne cessent de s’étendre. Dans le champ de l’aménagement, elle est aujourd’hui déclinée par de nombreux acteurs privés et publics sur deux registres principaux: 
1/ comme un levier de développement économique territorial (Godet et al., 2010), 
2/ comme une réponse aux problèmes urbains contemporains (congestion, pollution, alimentation, urbanisation, santé publique…), qu’elle prenne la forme de solutions techniques, environnementales ou organisationnelles. 

 

Le premier registre est particulièrement problématique pour les aménageurs dans la mesure où l’innovation, et dans ce cas il s’agit souvent de «l’innovation technologique », ne se décrète pas, et ne peut pas être implantée dans l’espace de manière contrainte ou automatique. Les politiques volontaristes de développement économique du territoire par l’innovation produisent, de manière générale, des résultats limités dont les retombées économiques peuvent échapper aux territoires (ex : les pôles de compétitivité). 

 

Le second registre interpelle plus directement les problématiques des mobilités et des transports. Autorités organisatrices, opérateurs de transport et aménageurs cherchent notamment des solutions aux problèmes hérités des systèmes de transport aujourd’hui obsolètes. Par exemple, la dénonciation des effets négatifs de l’automobile sur les systèmes urbains a donné lieu à une série d’innovations visant l’évolution des pratiques et une meilleure prise en compte des usagers dans leurs espaces de vie (Geels et al., 2012) : qu’il s’agisse d’innovation technologique autour de la consommation énergétique des véhicules, d’innovation organisationnelle (co-voiturage), d’innovation de produit (design), d’innovation servicielle (VTC…) ou encore d’innovation urbaine (Transit Oriented Development). 

 

La compréhension des mécanismes d’appropriation et de territorialisation des innovations de mobilité par les acteurs constitue un champ d’investigation incontournable, notamment pour programmer des approches plus intégrées de l’offre de transport : publique-privée, TC-individuelles, etc. Au niveau des territoires, on peut observer que si les autorités organisatrices des transports disposent d’outils proches en apparence (contrat d’axes, péages urbains, vélos en libre-service…), leur fonctionnement et leur capacité à recomposer les mobilités se révèlent, selon les territoires, profondément différents. La variété des formes d’action collective pose plus largement la question du pilotage pertinent de la mobilité par les pouvoirs publics. 

 

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  • Innovation – vue depuis l’ingénierie et l’économie 
    Auteur : Laetitia Dablanc 

 

La logistique urbaine peut être définie comme toute prestation de service contribuant à une gestion optimisée et soutenable du transport des marchandises dans les villes. Cette logistique répond à un certain nombre de besoins nouveaux des habitants, des entreprises et des municipalités, notamment liés au développement du commerce électronique et aux exigences environnementales. Les innovations en logistique urbaine sont de plusieurs ordres : 

  • organisationnel : mise en place d’une rupture de charge supplémentaire proche des zones denses, permettant l’usage de véhicules électriques ou de modes doux pour la livraison finale ; usage de véhicules plus volumineux pour massifier les envois et limiter la fréquence des livraisons ; livraisons de nuit ; mixité des livraisons et expéditions pendant la tournée d’un véhicule pour éviter les retours à vide. 
  • serviciel : apparition de nouveaux services en réponse à de nouveaux besoins comme un ramassage dédié des palettes et cartons, l’offre de stockages déportés, la livraison « instantanée », les consignes automatiques et les points relais, des services de transport fluvial ou ferroviaire adaptés. 
  • immobilière : mise en place de bâtiments logistiques en zone dense comme les « hôtels logistiques » répondant à des critères environnementaux, paysagers, dimensionnels et techniques particuliers et permettant la mixité d’usage avec d’autres activités urbaines. 
  • de politique publique : identification de zones à basses émissions, gestion dynamique des aires de livraison, mixité de l’utilisation de voies réservées, déploiement de stations de recharge pour le Gaz Naturel pour Véhicules (GNV) ou l’électrique, promotion de programmes de labellisation, de formation, de recherche. 
  • technologique : véhicules plus propres et performants, logiciels d’optimisation de tournées, solutions numériques pour la course urbaine. Dans les faits, les innovations de logistique urbaine correspondent aujourd’hui à une faible part de la mobilité urbaine quotidienne des marchandises (moins de 10% du nombre total de livraisons), mais les rythmes de croissance sont élevés. Des start-ups comme de grands groupes se lancent dorénavant sur ce secteur. A signaler un programme en cours de Paris&Co, l’agence de l’innovation de la ville de Paris, sur la logistique urbaine. 

 

 

Références:

– Christensen, C. (1997), Patterns in the evolution of product competition, European Management Journal, 15(2), 117-127. 

– Rogers, E. M. (1962). Diffusion of innovations. New York: Free Press 

– Geels, F. W. (2002), Technological transitions as evolutionary reconfiguration processes: a multi-level perspective and a case-study, Research policy, 31(8-9), 1257-1274. 

– Geels FW. et al, (2012), Automobility in Transition ? A socio-technical Analysis of Sustainable Transport, New York, London, Routledge, 393 p. 

– Godet M., Durance P., Mousli M. (2010), Créativité et innovation dans les territoires, rapport du Conseil d’Analyse Economique, de la DATAR et de l’Académie des Technologies