Les géoclôtures (geofences) désignent des frontières virtuelles définies via des systèmes d’information géographiques (SIG). Les géoclôtures peuvent être utilisées pour déclencher des actions automatisées exécutées par des objets connectés (IoT) géolocalisés. Elles sont notamment utilisées pour diffuser sur les smartphones de la publicité contextuelle basée sur la localisation d’une personne ciblée (Brown et Harmon 2014). Le géoclôturage (geofencing) désigne le processus de mise en place des géoclôtures et leur association avec des actions exécutées automatiquement par des appareils connectés. Dans le cadre de la livraison à domicile, les géoclôtures peuvent être utilisées pour exercer un contrôle direct sur les travailleurs des plateformes (Heiland 2021). Les géoclôtures peuvent aussi être utilisées en logistique traditionnelle – par exemple pour contrôler le transport de marchandises dangereuses (Reclus et Drouard 2009).
Dans le contexte de la mobilité partagée, les véhicules sont équipés de boîtiers connectés et sont soumis à un contrôle automatique à distance en fonction de leur géolocalisation. Le géoclôturage est notamment utilisé par les services de véhicules en free-floating, des services où des véhicules (vélos, voitures, trottinettes ou scooters) sont mis à disposition des usager-ère dans l’espace public pour des utilisations de courte durée (Boutueil, Nemett, et Quillerier 2022; Shaheen et al. 2015). Il permet aux opérateurs de désactiver automatiquement le moteur d’un véhicule qui franchirait les géoclôtures délimitant la zone d’opération fixée par l’opérateur.
Dans le cadre de la régulation des usages de la rue, le géoclôturage devient l’objet d’une négociation entre opérateurs de véhicules en free-floating et pouvoirs publics. Il est alors utilisé à l’échelle de la flotte pour mettre en œuvre une véritable stratégie de gestion de l’occupation de l’espace de la rue : on parle alors de géogardiennage. Les trois principaux levier du géogardiennage sont : l l’interdiction de la circulation en dehors de la zone d’opération et dans certaines zones (parcs…), la réduction de la limite de vitesse maximale des véhicules dans certains espaces (zones piétonnes …) ; et l’interdiction de terminer un trajet en dehors des emplacements dédiés aux véhicules en free-floating (Mangeart 2023).
Si ce sont les pouvoirs publics qui fixent les règles en matière d’usage de l’espace de la rue, les opérateurs de véhicules en free-floating détiennent avec leur maîtrise avancée du géogardiennage un atout considérable dans la gouvernance de l’espace de la rue. Les pouvoirs publics peuvent toutefois se prévaloir de leurs prérogatives sur l’espace de la rue pour exiger un accès à certaines données numériques des opérateurs qui occupent cet espace. Ces données peuvent être utilisées pour contrôler la mise en œuvre effective des règles en vigueur, et plus largement pour surveiller les pratiques des opérateurs. Par ailleurs, certaines collectivités se saisissent de tableaux de bords numériques interactifs développés spécialement pour le géogardiennage des véhicules en free-floating et sont ainsi en mesure de participer directement et en temps réel au géogardiennage (Vianova 2023).
Le géogardiennage constitue un exemple de la manière dont les outils numériques (SIG, véhicules connectés) peuvent modifier la production de la mobilité (Cresswell 2006) et ouvre la voie à de nouvelles modalités de contrôle des déplacements. Ces questions ne se limitent pas aux véhicules en free-floating : les automobiles récentes sont équipées de systèmes informatiques permettant techniquement l’application du géogardiennage (Zuboff 2019).
Références:
– Boutueil V., Nemett L., Quillerier T, 2022. Trends in Competition among Digital Platforms for Shared Mobility: Insights from a Worldwide Census and Prospects for Research. Transportation Research Record, 2676 (2), pp. 69‑82. https://doi.org/10.1177/03611981211036346.
– Brown R., Harmon R., 2014. Viral geofencing: An exploration of emerging big-data driven direct digital marketing services. In Proceedings of PICMET ’14 Conference: Portland International Center for Management of Engineering and Technology; Infrastructure and Service Integration, 3300‑3308.
– Cresswell T, 2006, The Right to Mobility: The Production of Mobility in the Courtroom. Antipode, 38 (4), pp. 735‑54. https://doi.org/10.1111/j.1467-8330.2006.00474.x.
– Heiland H., 2021, Controlling Space, Controlling Labour? Contested Space in Food Delivery Gig Work. New Technology, Work and Employment, 36 (1), pp. 1‑16. https://doi.org/10.1111/ntwe.12183.
– Mangeart T., à paraître, Plateformisation de la mobilité et territorialisation des plateformes : le cas de la micromobilité partagée ».
– Shaheen S., Chan N., Bansal A., Cohen A., 2015, Shared Mobility: A Sustainability & Technologies Workshop: Definitions, Industry Developments, and Early Understanding. Transportation Sustainability Research Center/Caltrans. https://trid.trb.org/view/1375066.
– Reclus F., Drouard K., 2009, Geofencing for fleet & freight management. In 2009 9th International Conference on Intelligent Transport Systems Telecommunications (ITST), 353‑56. https://doi.org/10.1109/ITST.2009.5399328.
– Vianova, 2023, Solution for cities [en ligne]. Disponible sur : . https://fr.vianova.io/solutions-for-cities (consulté le 7 juillet 2023).
– Zuboff S., 2019, The Age of Surveillance Capitalism: The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power, New York, PublicAffairs, 704 p.