Autopartage, covoiturage

Services et Infrastructures

Vus de la fenêtre d’un économiste, les modes partagés dans les formes que nous leur connaissons aujourd’hui – par exemple, l’autopartage ou le covoiturage pour le transport de passagers, le colis-voiturage pour le transport de marchandises – sont le résultat de la rencontre sur le terrain de la mobilité entre économie collaborative, économie de fonctionnalité et économie de l’information. Du moins, c’est ce qui se dit… Aucun de ces concepts ne fait l’objet d’une définition stabilisée dans la littérature scientifique. Les développements théoriques qui suivent sont donc le fruit de mon analyse et ma synthèse personnelles de la littérature scientifique, de la littérature grise et de la presse généraliste et professionnelle sur ces sujets. Je vous livre ici l’état de mes réflexions sur la question. 

 

 
L’économie collaborative consiste en une transformation des activités de production et de consommation de biens (produits ou services) par la collaboration entre plusieurs acteurs. Elle peut prendre différentes formes selon qu’elle implique : 

 

1.une collaboration verticale entre acteurs à différents niveaux de la chaîne de valeur (par exemple: régulateurs, fabricants de produits, fournisseurs de services ou usagers finaux) pour organiser la redistribution entre ces acteurs des activités de production, ainsi que des ressources, informations, risques, coûts et gains associés (on retrouve notamment dans cette catégorie le crowdfunding, le crowdsourcing, le do-it-yourself , etc.) ;

 

2.une collaboration horizontale entre acteurs à un même niveau de la chaîne de valeur (par exemple, les usagers finaux) pour organiser le partage entre ces acteurs d’expériences (on retrouve dans cette catégorie le partage d’expériences d’accueil non marchandes, cf. lecouchsurfing, mais aussi le partage d’expériences de consommation, cf. les groupements d’achat) ou de la propriété ou de l’usage de biens. 

 

L’économie de fonctionnalité consiste en une transformation des activités de production et de consommation par la substitution à l’achat/vente de produits – en particulier, des produits valorisés essentiellement pour leur usage (la plupart des produits d’équipement, par exemple, par opposition à d’autres produits qui peuvent être davantage valorisés pour le rendement d’investissement ou pour l’image) – de l’achat/vente de services basés sur la valeur d’usage de ces produits. On note que : 

 

1.la transformation des activités de consommation par l’économie de fonctionnalité se traduit par un dimensionnement de l’usage au plus proche du besoin. Ce dimensionnement peut se faire a minima par rapport à un besoin anticipé (par exemple, pour des services engageant les parties sur la durée: on retrouve notamment dans cette catégorie les activités de location moyenne ou longue durée de véhicules, d’imprimantes, de machines à café, etc.), mais de préférence par rapport à un besoin avéré à un instant t ; 

 

2.la transformation des activités de production par l’économie de fonctionnalité se traduit par un dimensionnement du service au plus proche de l’usage (on retrouve notamment dans cette catégorie des tarifications de service de type pays-as-you-go) et peut amener des modifications dans la conception du produit pour améliorer sa performance et sa durée de vie en utilisation et faciliter son recyclage en fin de vie (on retrouve dans la catégorie générique duProduct Lifecycle Management, les approches de type : analyse du coût en cycle de vie, éco-conception, etc..). 

 

Enfin, l’économie de l’information consiste en une transformation des activités de production et de consommation par le recours aux nouvelles technologies de l’information. Les plates-formes numériques sur lesquelles s’appuient ces transformations permettent notamment : 

 

1.une massification de la mise en relation (algorithmes d’appariement offre/demande), d’autant plus performante si des externalités positives de réseau sont en jeu (la valeur du bien ou du service augmente avec le nombre de personnes qui y souscrivent); 

 

2.un échange d’information – et donc potentiellement un accès au service – en temps réel; 

 

3.un enrichissement des fonctions proposées (en ajoutant par exemple la géolocalisation, la notation qualité/confiance ou rating, le paiement sécurisé, etc.). 

 

Les services d’autopartage actuels s’inscrivent timidement dans le cadre de l’économie collaborative. A quelques exceptions près (partenariats public-privé et coopératives notamment), ces services répondent pour l’essentiel à des logiques commerciales basiques (maximisation du profit). Qui plus est, ces services d’autopartage ne sont pas non plus des modèles de l’économie de fonctionnalité, bien que ce soit pour des raisons différentes d’une catégorie de service à l’autre. En particulier, peu d’entre eux se cantonnent à une stricte tarification à l’usage (les services d’autopartage entre particuliers font exception), certains supposent le maintien d’un parc significatif de véhicules en propriété (l’autopartage entre particuliers notamment), et rares sont les services qui prennent en compte l’usage dans la conception du produit (à l’exception des services ayant conçu une voiture ad hoc). C’est par le numérique que ces services d’autopartage se rattrapent : tous s’appuient sur des plates-formes permettant la mise en relation offre/demande à grande échelle et l’enrichissement des fonctions proposées (géolocalisation et/ou rating et/ou paiement sécurisé), mais 1) les services d’autopartage entre particuliers – à quelques exceptions près – peinent à mettre en place l’accès au service en temps réel (celui-ci requiert des équipements supplémentaires sur les véhicules) et 2) les services d’autopartage utilisant des véhicules dédiés pourraient voir les externalités de réseau jouer en leur défaveur en cas de saturation de l’offre. 

 

  •  Autopartage 
    Auteur : Gaële Lesteven (définition extraite d’une présentation à mobil.TUM, juin 2016) 

 

La mobilité partagée s’inscrit dans le mouvement plus vaste de l’économie collaborative reposant en partie sur un usage important des technologies numériques. Encore une niche il y a une décennie, la mobilité partagée se décline aujourd’hui en une multitude de services à travers le monde, pas toujours clairement définis. De fait, il n’y a pas encore de consensus dans la littérature scientifique sur les délimitations de la mobilité partagée, certains y incluant la location traditionnelle de voitures, d’autres insistant sur l’importance du recours aux applications numériques (Le Vine et Polak, 2015). Néanmoins, on observe une tendance commune vers une dissociation progressive entre possession et usage de l’automobile. Les services de mobilité partagée se déclinent un certain nombre de modèles d’affaires plus ou moins florissants selon les modalités de fonctionnement, l’aire géographique concernée, le public visé, les impacts engendrés sur les comportements de mobilité et l’environnement. Quatre grands modèles sont déclinés (Shaheen et Cohen, 2013). Le service le plus diffusé et également le plus ancien est celui de l’autopartage en boucle (round-trip casharing) : l’usager s’abonne au service puis loue un véhicule à l’heure ou à la journée. Il prend le véhicule à une station donnée et la rend à la même station. La Suisse est le premier pays à proposer un service efficace avec la création de Mobility Carsharing en 1997. L’autopartage en boucle se développe à destination des résidents d’un quartier (Business to Consumer carsharing). Il s’agit souvent de quartiers où la densité de population est élevée comme le coût du stationnement ; le taux de motorisation y est faible et l’offre en transports en commun bien développée. Il existe également de l’autopartage en boucle à destination des administrations, des entreprises (Business to Business carsharing), sur les campus ou encore en rabattement vers les transports collectif (Shaheen et Cohen, 2013). L’autopartage en boucle est souvent perçu en complément aux transports publics (Le Vine et al, 2014 ; 6t, 2013). Il entraîne une baisse de la motorisation individuelle et des kilomètres parcourus et donc réduit les émissions de gaz à effet de serre (Martin et Shaheen, 2011). 

 

Plus récemment s’est développé l’autopartage en trace directe (one-way carsharing) : l’utilisateur loue un véhicule à une station et le dépose à une autre (station-based carsharing). L’exemple le plus connu est certainement le service Autolib à Paris. Dans certains cas, il n’y a plus de stations : l’utilisateur géolocalise le véhicule grâce à son smartphone et le stationne où il le souhaite (free-floating carsharing), à l’instar du service Car2go proposé dans de nombreuses villes européennes et nord-américaines. Une prochaine étape sera la conduite autonome de ces véhicules (Fagnant et Kockelman, 2014). Si l’autopartage en trace directe est plus flexible que le précédent, sa gestion est complexe, devant anticiper un potentiel déséquilibre temporel et spatial entre la demande en véhicules et l’offre disponible. Une mauvaise gestion des stations peut ainsi entraîner un surdimensionnement de l’offre de véhicules ou de stations (Firnkorn et Müller, 2012). Souvent localisé dans les espaces urbains denses, l’autopartage en trace directe est surtout utilisé pour des trajets de courte distance, pour des déplacements de loisir mais aussi domicile-travail (6t, 2014). Il apparaît davantage se substituer aux transports en commun qu’en être le complément (Le Vine et al, 2014). Des travaux de recherche sont menés pour mieux évaluer le potentiel de la demande et étendre le territoire sur lequel le service est opéré (Seign et al, 2015 ; Schmoller et al, 2015). Aux côtés des systèmes en boucle et en trace directe, se développe l’autopartage entre particuliers (peer-to-peer casharing ou personal vehicle sharing). Le modèle d’affaires est différent puisque ce sont des particuliers qui louent ponctuellement leurs véhicules à d’autres particuliers, souvent via des plateformes d’intermédiation, comme Drivy ou Ouicar en France. Ce système concerne davantage les zones moins denses, là où les ménages sont plus motorisés et les alternatives en transports en commun moindres (Shaheen et al, 2012). L’innovation technologique peut à terme renforcer ce type d’autopartage en développant par exemple l’accès sans clé au véhicule (par exemple : le boitier Koolicar). Les pratiques de mobilité et les impacts environnementaux de ce type d’autopartage restent encore peu renseignés. Enfin, l’autopartage à destination des touristes est une forme émergente de l’autopartage amorcée avec les expérimentations de GreenCar à Hawaï et de Drive Electric à Orlando en Floride (Shaheen et Cohen, 2013). Ces services de location de véhicules électriques (VE) de courte durée s’adressent aux touristes qui viennent en famille ou en voyages d’affaires. L’objectif principal est de diffuser l’usage des VE par la possibilité d’en tester l’usage plusieurs jours de suite. Une telle expérimentation serait rentable si elle était transposée à Disneyland Paris (Lesteven et Leurent, 2016 ; Leurent et al, 2015). 

 

  • Covoiturage

Auteur : Teddy Delaunay 

 

Le covoiturage interurbain sur longue distance s’est développé rapidement ces dernières années, porté, en particulier, par le succès de Blablacar. En revanche, la pratique du covoiturage sur courtes distances tend à diminuer depuis la fin des années 1970. Le covoiturage se pratiquait et se pratique encore aujourd’hui au sein des ménages, mais aussi entre collègues, amis, voisins, ou encore avec des inconnus dans le cadre de l’autostop. La dispersion spatiale des activités et l’individualisation des modes de vie, permises par la motorisation des ménages, expliquent en grande partie la réduction de la pratique du covoiturage sur courtes distances. Le covoiturage est longtemps resté hors des préoccupations des pouvoirs publics. Pourtant, depuis le début des années 1980, le covoiturage émerge progressivement comme objet d’action publique. Ce changement s’initie à partir de la fin des années 1970, alors que l’augmentation de la (multi)motorisation des ménages conduit au renforcement d’externalités négatives liées à la mobilité automobile. En augmentant le taux d’occupation des véhicules, le covoiturage offre en théorie des perspectives intéressantes pour lutter contre la pratique de l’autosolisme afin de réduire le nombre de véhicules à circuler et à stationner. Les pouvoirs publics incitent les entreprises et les administrations, à travers la mise en place de Plans de Déplacement, à encourager leurs collaborateurs à covoiturer. A partir du milieu des années 2000, on observe une multiplication des sites de covoiturage et la mise en place d’expérimentations de services innovants, souvent portés par des collectivités territoriales. Mais aujourd’hui encore, aucun système de covoiturage ne parvient à faire décoller la pratique sur les déplacements de courtes distances. Il existe une grande diversité d’opérateurs et de dispositifs de covoiturage. La première forme ayant émergé est le covoiturage planifié. Le concept repose sur l’existence d’une plateforme d’information sur laquelle un individu peut déposer une annonce indiquant, pour une date donnée, la destination qu’il souhaite atteindre et son souhait de partager ce trajet avec un conducteur ou un passager. Cette forme de covoiturage implique des contraintes importantes pour les individus (organisation, détour, dépendance entre les membres) et reste faiblement répandue sur la courte distance. Elle implique également des contraintes pour les opérateurs qui ne parviennent pas à fidéliser les usagers ni à leur faire payer le service de mise en relation. Ils dépendent de subventions et de tiers payants (Vincent, 2009). Dans l’optique de contourner ces freins à la pratique, des opérateurs développent depuis le début des années 2010 des solutions de covoiturage dynamique. L’objectif poursuivi est de favoriser la rencontre entre l’offre et la demande en temps réel. Se basant sur le smartphone et le GPS, l’idée est d’inciter des automobilistes à annoncer via une application leur trajet au moment du départ. Leur localisation et la nature de leur trajet est ensuite renseignée sur la plateforme de mise en relation. Les passagers peuvent visualiser ces trajets et envoyer une requête au conducteur pour être pris en charge et partager tout ou partie du trajet. Le covoiturage dynamique lève plusieurs freins : le trajet n’a pas besoin d’être planifié à l’avance. L’appariement conducteurs et passagers se fait en fonction des opportunités du moment, via la plateforme de mise en relation. Ce retour obligé à la plateforme permet aux opérateurs de fidéliser leurs usagers et de développer un modèle d’affaires basé sur une commission ou sur un abonnement. Ces solutions de covoiturage dynamique donnent au covoiturage une nouvelle signification. La voiture et les places vides qu’on y trouve ne sont plus considérées comme un mal à combattre mais comme des ressources disponibles. Cette nouvelle forme de covoiturage ne vise plus uniquement de réduire la congestion ou la pollution, mais d’offrir des solutions de mobilités alternatives aux réseaux de transports collectifs. L’usager visé n’est plus seulement l’automobiliste mais le piéton et l’usager des transports collectifs. L’ambition poursuivie par les opérateurs est de capter la valeur des sièges libres à bord des véhicules qui représentent des « places voyageurs-kilomètres » sur lesquels il est stratégique de mettre la main. Leur objectif est à la fois d’être en mesure de prélever une commission sur chaque mise en relation, et de proposer une offre de déplacement sur des trajets sur lesquels aucun opérateur de transport traditionnel n’est en mesure de se positionner de manière rentable. Initialement, les pouvoirs publics craignaient la concurrence que ces solutions pouvaient exercer sur l’offre de transport public. Mais de plus en plus le covoiturage suscite un intérêt croissant dans un contexte de baisse des ressources des pouvoirs publics. Néanmoins, ces solutions peinent à se développer : elles ne parviennent pas à atteindre la masse critique d’utilisateurs nécessaire et ont des difficultés à se développer dans de zones moins denses, là où l’offre en transport collectif est moins bonne. Face à cet échec, on observe plusieurs dérives. Des opérateurs proposent aux conducteurs une rémunération pour le service qu’il rende aux passagers. Ce sont en définitive des services de taxi non-professionnels sur lesquels les pouvoirs publics n’ont pas de prise directe. Une nouvelle forme de covoiturage émerge depuis peu. Après avoir été en majorité des solutions numériques et dématérialisées, les solutions de covoiturage se rapprochent dans leur conception des réseaux de transport collectifs en cherchant à se matérialiser sur la voirie, sous la forme de stations, d’arrêts et de lignes de covoiturage. Des opérateurs de covoiturage et même des opérateurs de transport traditionnel proposent depuis 2016 d’intégrer, dans le cadre des délégations de service public, des réseaux et lignes de covoiturage. Le concept repose sur la constitution d’un réseau de points d’arrêts similaires à des arrêts de bus, sur lesquels les usagers se rabattent. Un dispositif permet aux passagers d’indiquer aux automobilistes passant devant le point d’arrêt la destination qu’ils cherchent à atteindre. Ces services ont la particularité de s’affranchir de deux freins auxquels se heurte le covoiturage dynamique. Celui de la masse critique d’une part, puisque l’offre de covoitureurs s’appuie non pas sur un stock de conducteurs inscrits à une application mais sur les flux de véhicule en circulation. D’autre part, c’est l’effort demandé au conducteur qui est réduit, puisque ce dernier n’a ni besoin de lancer une application ni besoin de faire de détour. Les retours terrains le confirment : à titre d’exemple, la startup ECOV expérimente depuis février 2015 une solution de covoiturage de ce type, dénommée « COVOIT’ICI », portée par la communauté d’agglomération Seine-et-Vexin, le Conseil Départemental du Val d’Oise et le Parc Naturel Régional du Vexin Français. Après dix-huit mois d’expérimentation, certaines stations présentent des résultats très encourageants sur des trajets bien précis. Par exemple, la station située sur la petite commune de Oinville-sur-Montcient (1 000 habitants) est éloignée de neuf kilomètre de la gare SNCF des Mureaux. A cette station, on constate des temps d’attente moyen de 12 minutes pour rejoindre la gare, alors qu’il ne passe que sept bus par jour. On avance l’hypothèse que cette évolution des dispositifs favorise l’appropriation du covoiturage comme objet de l’action publique (Delaunay, Lesteven et Ray, 2017), puisqu’il permet aux acteurs territoriaux de le rendre tangible, de penser et de construire ce mode de transport manière analogue aux réseaux de transports collectifs qu’ils ont l’habitude de manier. Cette évolution des dispositifs augure également des perspectives intéressantes quant à la reconfiguration des systèmes de transports collectifs traditionnels. En se basant sur une logique de ligne, le covoiturage s’ancre spatialement et une complémentarité au transport collectif devient possible. 

 

  • Covoiturage 

Auteur : Gaële Lesteven 

 

L’utilisation en commun d’une voiture particulière par un conducteur et un ou plusieurs passagers se répand massivement depuis plusieurs années. Le développement du numérique a permis de massifier une pratique ancienne, l’autostop, en multipliant les possibilités d’appareillage d’un équipage. Outre le covoiturage longue distance, ces pratiques se développent également dans l’urbain. Le covoiturage se présente comme un transport intermédiaire, entre la voiture particulière autosoliste et le transport collectif de masse. Je propose d’inscrire le covoiturage dans le champ du « transport individuel avec chauffeur », qui regroupe covoiturage, transport individuel avec chauffeur occasionnel et transport individuel avec chauffeur professionnel autrement dit les taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC). Ces différentes déclinaisons ont en commun de fonctionner principalement via des plateformes d’intermédiation (comme Blablacar pour du covoiturage de longue distance, Citygoo ou Ouihop pour du covoiturage urbain, Heetch, Lyft ou Uberpop pour du transport avec chauffeur occasionnel ou encore Uber, LeCab ou Chauffeur Privé pour du professionnel), et dans le cas des taxis, de centraux téléphoniques. Leur principale différence concerne la rémunération du trajet, dont la législation varie d’un pays à l’autre. En France, le covoiturage repose sur un partage des frais alors que la course avec chauffeur occasionnel ou professionnel est rémunéré à titre onéreux. Le taxi est un cas à part : outre le fait qu’il soit contingenté, ses tarifs sont réglementés. A l’opposé, l’autostop est totalement gratuit. Le flou juridique demeure malgré la décision du Conseil constitutionnel sur le contentieux d’Uberpop en septembre 2015. Ainsi, Heetch, principal concurrent d’Uberpop, continue ainsi de proposer ses services en se présentant comme du « transport entre particuliers », reposant sur le partage de frais, à l’instar du covoiturage. Notez que l’article a été écrit en juin 2016. En mars 2017, Heetch a été condamné pour transport illégal de passagers. Depuis, Heetch fait appel à des chauffeurs professionnels. En mai 2017, il a lancé un nouveau service de covoiturage nocturne, limitant le nombre de trajets par conducteur. A l’avenir, il est envisageable que le transport individuel avec chauffeur, qu’il s’agisse de covoiturage ou de transport rémunéré, se substitue de plus en plus au transport à la demande, opéré par des transporteurs ou sous-traité à des taxis et très coûteux à la collectivité. Faut-il alors le considérer comme du service public ? Si cette évolution semble convaincante dans un contexte de restriction budgétaire et de segmentation de l’offre, elle pose la question de la permanence d’un service universel. 

 

  • Transport à la demande

Auteur : Jaâfar Berrada 

 

Le transport à la demande est un mode de transport privé ou public qui s’adapte aux besoins des usagers en termes d’accessibilité spatiale ou temporelle. Il se distingue donc de la majorité des transports en commun dans la mesure où le mode adapte son itinéraire et son temps de service en fonction de chaque usager. Par ailleurs, le transport à la demande utilise en général des véhicules faiblement capacitaires. Plusieurs services sont perçus en tant que transport à la demande : le taxi traditionnel et le e-taxi, l’auto-partage, le vélo à libre-service, le PRT (« Personal Rapid Transit« ) et les navettes pour personnes à mobilité réduite. Tous ces services sont à disposition de l’usager qui peut les réserver et y accéder à son gré. Deux configurations de réservation sont possibles : 

 

  • A distance (appel, SMS ou application mobile) : cette configuration offre une forte flexibilité spatiale en accédant à l’usager quel que soit sa localisation. Initialement destinée à des déplacements spécifiques (déplacement des personnes à mobilité réduite), exceptionnels (premium, accès aéroport…) et/ou dans des zones à faible offre de transport (zones rurales), cette configuration s’impose de plus en plus dans le paysage urbain en tant que service tout public, notamment grâce à l’expansion d’applications type Uber et l’émergence de services concurrents. 

 

Sur place : Cette deuxième configuration servicielle est par contre plus contraignante, le véhicule ne pouvant être positionné qu’à des points spatiaux définis (stations/ places de stationnement). Ceci est typiquement le cas de l’auto-partage, du vélo en libre-service ou du PRT. Par ailleurs, la performance de cette catégorie de services est fonction de leurs zones de déploiement et de la finesse de ce zonage-ci 

 

 

Références:

– 6t-bureau de recherche (2013), « Enquête Nationale sur l’Autopartage : l’autopartage comme déclencheur d’une mobilité alternative à la voiture particulière », Paris, 82p. 

– 6t-bureau de recherche (2014), « ENA.3 – Enquête sur l’autopartage en trace directe (le cas d’Autolib’ Paris). L’autopartage en trace directe : quelle alternative à la voiture particulière ? « , Paris, 249p. 

– Delaunay T., Lesteven G., Ray J.-B. (2017) Qui sera le « Blablacar du quotidien » ? Pour un covoiturage des courtes distances ancré dans les territoires, Métropolitiques, mars. https://www.metropolitiques.eu/Qui-sera-le-Blablacar-du-quotidien.html 

– Fagnant, D., Kockelman, K. (2014), « The travel and environmental implications of shared autonomous vehicles, using agent-based model scenarios », Transportation Research Part C, 40, 1–13. 

– Firnkorn, J., Müller, M. (2012), « Selling Mobility instead of Cars : New Business Strategies of Automakers and the Impact on Private Vehicle Holding », Business Strategy and the Environment, 21, 264–280. 

 

– Le Vine, S., Lee-Gosselin, M., Sivakumar, A., Polak, J. (2014), « A new approach to predict the market and impacts of round-trip and point-to-point carsharing systems: Case study of London », Transportation Research Part D, 32, 218–229. 

– Le Vine, S., Polak, J., (2015), « Introduction to special issue: new directions in shared-mobility research », Transportation, 42, 407–411. 

– Lesteven G., Leurent F. (2016) Electromobility for tourists: testing business models in the Paris region, Transportation Research Proceedings, Volume 19, 164–175. 

– Leurent, F., Boutueil, V., Alawi, B., Berrada, J., Sadeghian, S., Aguiléra, A., Bonin O. (2015), Rapport de synthèse de la troisième phase du contrat REGIENOV II (LVMT-IMD), LVMT, Champs-sur-Marne, 14p. 

– Martin, E., Shaheen, S. (2011), « Greenhouse gas emission impacts of carsharing in North America », IEEE Transactions on Intelligent Transportation Systems, 12 :4, 1074–1086. 

– Schmoller, S., Weikl, S., Müller, J., Bogenberger K. (2015), « Empirical analysis of free-floating carsharing usage : The Munich and Berlin case », Transportation Research Part C, 56, 34–51. 

– Seign, R., Schüßler, M., Bogenberger, K. (2015), « Enabling sustainable transportation: The model-based determination of business/operating areas of free-floating carsharing systems », Research in Transportation Economics, 51, 104-114. 

– Shaheen, S., Mallery, M., Kingsley, K. (2012), « Personal vehicle sharing services in North America », Research in Transportation Business & Management, 3, 71–81. 

Shaheen, S., Cohen, A. (2013), « Carsharing and Personal Vehicle Services: Worldwide Market Developments and Emerging Trends », International Journal of Sustainable Transportation, 7 :1, 5-34. 

– Vincent, S. (2008), Les altermobilités : analyse sociologique d’usages de déplacements alternatifs à la voiture individuelle. De pratiques de déplacements alternatifs à la voiture individuelle. Des pratiques en émergence ? Thèse Université de Paris 5, Sorbonne